Présentation :
« A l’intersection du café-concert et de la revue théâtre, notre lecture du Bel Indifférent est résolument ancrée dans une tradition populaire. On traitera la pièce comme un spectacle complet dans une succession de numéros allant de la chanson à l’air d’opéra, de la comédie à la romance, de la danse au burlesque.
Telle une Madame Loyale, mi Tiresias mi Shéhérazade, l’héroïne de Cocteau, incarnée par la chanteuse, projettera ses fantasmes sur les murs du music-hall tels les dessins de l’artiste sur les murs de la Villa Santo Sospir.
L’accent sera mis sur l’énergie de cette femme, qui n’est jamais une victime, sur sa vraie folie, son inventivité, et non sur sa souffrance. Elle s’adresse à son propre imaginaire, comme Cocteau enfant dans sa chambre de malade, et s’invente un théâtre.
Ce théâtre ne représentera pas une chambre, fût-elle d’hôtel, il n’y aura pas de lit, pas non plus de « magnifique gigolo au bord de ne plus l’être ».
Il y aura un dispositif qui, pour rappeler celui du tour de chant classique ou pop, devra aussi matérialiser l’espace du fantasme et de la rêverie d’opium, voire d’un rituel onirique, à la fois absurde et inquiétant.«
– Aurore Bucher –
Note d’intention :
En 2021 Virévolte se lance dans un projet en tout point inédit : l’adaptation musicale du Bel Indifférent de Jean Cocteau. Cette pièce écrite en 1940 pour Edith Piaf n’a jamais été mise en musique, mais pour la première fois, le comité Cocteau a autorisé le compositeur Jean-Marie Machado et la chanteuse Aurore Bucher à s’emparer de ce texte pour en donner une lecture originale et innovante. Tout en restant dans un traitement lyrique et acoustique de la voix, leur approche se veut multiple et festive, au croisement des genres musicaux et des esthétiques.
Inspiré du café-concert et des revues théâtre, ce spectacle musical enchaine les numéros, de la chanson à l’air d’opéra et de la danse au burlesque. La mise en scène, signée Emmanuel Olivier, s’appuie sur la puissance poétique et visionnaire du texte.
Cette création sera une aventure à bien des égards pour la plupart des artistes en présence, tous riches d’une immense expérience mais désireux de découvrir l’univers de l’autre et d’inventer ensemble un langage commun.
Avec l’adaptation sous forme de tour de chant de cette pièce de Cocteau, dont le sujet, la puissance poétique et l’énergie permettent de toucher tous les publics, nous restons dans une tradition résolument populaire. Avec Jean-Marie Machado, qui puise son inspiration dans la vie et se nourrit aux émotions de l’enfance, nous savons déjà que sa musique aura les qualités à la fois de l’excellence et l’accessibilité. Rien n’arrête Jean-Marie Machado, et surtout pas les conventions ni les frontières esthétiques ! Musicien amoureux du timbre comme du rythme, il trouve dans les effectifs les plus variés des couleurs et une vigueur toujours renouvelées. C’est la raison pour laquelle sa démarche entre en résonance avec celle de Virévolte, qui cherche précisément à brouiller les cartes et à faire de l’itinérance artistique une force.
Synopsis de la pièce : Le Bel Indifférent a été écrit par Jean Cocteau pour Edith Piaf et représenté pour la première fois en 1940 au Théâtre des Bouffes-Parisiens dans le décor de Christian Bérard. Paul Meurice donnait la réplique à Edith Piaf. Il s’agit d’une courte pièce où seul le personnage féminin parle. On assiste donc à un monologue. Un second personnage est en scène mais il ne parle pas. La scène se passe dans une « pauvre chambre d’hôtel ». Une chanteuse de caf’conce, de retour de son tour de chant, attend son homme, Emile, un « gigolo », très beau, qui n’est toujours pas rentré. À son arrivée, elle lui fait une scène de jalousie terrible, lui demande où il était et le couvre de reproches. Pendant toutes la scène, l’homme lit son journal et ne répond pas. Tandis qu’elle lui « sort la patate » qu’elle a sur le coeur », il s’endort. Puis il se lève et s’apprête à partir. Comprenant qu’elle est allée trop loin, elle menace de se tuer et l’assure qu’elle l’attendra toujours.
Extrait du Bel Indifférent de Jean Cocteau :
« Attendre. Attendre. Attendre toujours. Il y a de quoi devenir folle. Et ce sont les folles qui tuent… Après je me tuerai. Je ne supporterai pas de vivre sans toi. J’en suis certaine. Mais que veux-tu, c’est un réflexe. Qui résisterait ? Je me le demande. Regarde, je parle, je parle, n’importe qui d’autre jetterait ce journal, me répondrait, s’expliquerait ou me giflerait. Toi, non. Tu lis ton journal ou tu fais semblant de le lire. Je donnerais cher pour voir ta figure derrière ce journal. Ta figure de diable. Une figure que j’adore et qui me donne envie de prendre un revolver et de te tirer dessus. Ecoute, Emile, j’ai bien réfléchi. Cette nuit, j’ai décidé de tout te dire. Tu es habitué que je souffre en silence. A ce que je la boucle. Mais la mesure est comble. A deux heures je m’étais promis, si tu rentrais, de me taire, d’être gentille, de me coucher et de faire comme si je dormais, comme si tu me réveillais. A deux heures dix, la torture de l’ascenseur et des voitures a commencé. A deux heures un quart, ta sœur a eu l’idée géniale, lumineuse, de faire sa police, de voir si tu étais à l’hôtel, et à deux heures et demie, j’ai perdu le contrôle de moi-même. J’ai décidé, dé-ci-dé que je parlerais et que j’en finirais avec ce silence. Oh ! tu peux te taire, tu peux lire ton journal, tu peux te réfugier derrière ton journal. Je m’en fous. Je ne serais pas ta dupe. Je te vois, je te vois malgré le journal. Ma scène t’embête. Tu ne t’y attendais pas. Tu te disais : « C’est une victime, profitons-en.» Eh bien, non, non, non et non, je refuse d’être une victime et de me laisser cuire à petit feu. Je vivrai. Je lutterai. J’obtiendrai gain de cause. »
Distribution :
Musique – Jean-Marie Machado
Conception, adaptation – Emmanuel Olivier et Aurore Bucher.
Mise en scène – Emmanuel Olivier
Chorégraphie – Victor Duclos
Scénographie, lumières – Stéphane Vérité
Label / Distribution : Chant et direction artistique – Aurore Bucher
Violoncelle – Antony Leroy
Clarinettes – Carjez Gerretsen
Percussions – Ludovic Montet
Accordéon – Pierre Cussac